10 juin 2018

Recruter n’est pas cloner

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Pierre-André Fortin

Lundi matin, la semaine redémarre. Dans les brumes matinales du week end, tandis que je m’acharne à défroisser une chemise récalcitrante, France info distille son flot de nouvelles. Parmi les annonces de fin du monde, de fin d’euros, de note gradée ou dégradée, une publicité émerge, non pas par son génie créatif, mais par l’évocation d’un nom… 

Sous forme de testimonial, une grande entreprise du Cac 40 fait parler un de ses cadres d'une offre produit du groupe. Or donc, tandis qu’une voix s’exprime, je retourne 16 années en arrière, alors que jeune consultant j’abordais cette personne pour lui proposer un poste.

Coïncidence d’autant plus amusante que je venais la semaine précédente de recevoir le Cv d’un de ses anciens proches collaborateurs.

Même aventure quelques mois auparavant lorsque je croisais au sein du cabinet une candidate que quelques années auparavant j’avais présentée à un autre de mes clients.

Small World…

De là nous pourrions alors enchainer sur une diatribe positiviste à la manière d’un Homais flaubertien sur l’apport de la modernité et l’abolition des distances… 

Ou dans un autre registre, nous pourrions nous congratuler d’avoir su hier approcher les talents de demain! À moins que!

À moins que dans un élan de lucidité nous constations avec effroi que le grand marché de l’offre de compétences ne se concentre en somme sur une poignée de cadres clés, du moins pour les cabinets.

Ce n’est pas en soi une nouveauté ; nous savons que « ce mercato » sur certaines fonctions non seulement s’apparente au jeu des chaises musicales, mais se joue sur une douzaine de cadres ! Si cela ne nous paraît guère surprenant sur certaines expertises – nous pouvons aisément concevoir qu’il n’existe que très peu d’experts spécialiste de la fission atomique – il en est autrement d’un cadre du marketing, de la finance d’entreprise ou des ressources humaines.

Et pourtant ! A trop croire que nous travaillons sur des secteurs étroits, sur des profils aux compétences pointues, nous finissons aussi par oublier que la redondance de certains candidats dans les processus de recrutement provient avant tout et surtout de notre faible capacité à élargir le périmètre de nos investigations.

Par facilité, confort et réassurance nous acceptons et réalisons ces « copier-coller » du prédécesseur en espérant réappliquer la même recette que précédemment : on ne change pas une équipe qui gagne !

Nous sommes mandatés pour rechercher des compétences précises bien souvent rares, mais nous ne devons pas confondre la recherche de compétences pointues au clonage du prédécesseur ou du supérieur hiérarchique !

En matière de recrutement l’impression de déjà-vu, parfois si rassurante, n’est pas forcément gage de qualité.


Parce que notre rôle ne peut, ni ne doit, se limiter à la fourniture de cv, il nous appartient de nous montrer créatif et conseil face à un recrutement a fortiori dans un marché de l’emploi cadre gagné par la pénurie de compétences.

Créatif dans la mesure où en faisant appel à un conseil, notre client est en droit d’attendre de nous de lui trouver la personne qui saura accompagner l’organisation dans le temps. C’est-à-dire d'un instant N à un instant N+1. Dans cette perspective, il nous appartient, professionnel du recrutement, de bien prendre en considération ces  éléments contextuels et dynamique : la stricte reproduction du succès d'hier, c’est-à-dire le clonage du collaborateur sortant, n'est en aucun cas le gage du succès de demain - l'entreprise a depuis évolué - les facteurs clés d'une réussite passée ne peuvent être ceux d'aujourd'hui.... D’autant plus si nous admettons voire attendons qu’un cadre construise son poste…

En d’autres termes, notre rôle de conseil nous impose de reconsidérer le recrutement dans un cadre plus général que la définition de poste. Un recrutement s’opère dans un contexte structurel et conjoncturel. Prenons par exemple la compétence commerciale : en fonction du contexte d’une entreprise, elle s’entendra un temps dans sa dimension prospective puis à un autre moment dans son aspect fidélisation.

Sans ce travail préalable d’évaluation contextuelle nous nous condamnons à reproduire, à « copier/coller » des recettes qui parfois fonctionnent, parfois moins, voire plus du tout.


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