4 octobre 2022

Et si notre sourcing devenait éco-responsable?

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Pierre-André Fortin

La fin de l’abondance n'a pas sonné, et pourtant, il est urgent de se reprendre en main !

Depuis de nombreux mois le marché de l’emploi est à feu et à sang… Pas une journée sans que je lise un post sur les difficultés de recrutement, la pénurie de talents ! Que j’en parle à mon coiffeur, mon cafetier, le CTO d’une startup, TAM de Scalup ou du CAC40, c’est G.E.N.E.R.A.L., le recrutement souffre et les recruteurs aussi !!!

Certains pour répondre au problème actuel revoit leur cahier des charges, abandonnent ce qu’il y a encore quelques mois étaient de l'ordre des pré-requis incompressibles, sage décision, mais ce n’est pas toujours possible/souhaité/souhaitable (je vous laisse le choix).

Dans ce contexte, face à la raréfaction de la compétence, on source, un peu, beaucoup, à la folie ! La demande sur le sourcing explose !

Puisqu’il n’y a plus la queue devant le magasin, on rabat le chaland…On rameute le client, tentative désespérée d'organisation en mal de candidats.

Dernièrement, je lisais un message sur un groupe slack faisant état des volumes de candidats sourcés et engagés pour le recrutement d’une position… 100…200… voire 400 profils pour 1 recrutement ! Quel vertige ! 

Mais, pour tout dire 200, 300 ou même 400 personnes pour un poste… tout disproportionné soit ce chiffre, il n'en témoigne pas moins d'une tendance lourde de notre métier : l'élargissement des pipelines de manière parfois exponentielle, avec en sous-jacent la question de la qualification de ce vivier.

Notre métier est de cibler, identifier et approcher des prospects pour les transformer en candidat.

Ce travail est le même depuis la fin des années 40, moment où Sidney Boyden proposa à ses clients de “débaucher” des talents à la concurrence afin de faire face au manque de cadres dirigeants que la guerre avait tué. Nécessité fait loi en somme, il s’agit alors à l’époque de repérer ces futurs pépites et de les approcher… Pas de X-ray, pas de LinkedIn… uniquement de l’ingénierie sociale afin d’approcher ces profils.

Le coût humain est alors important. Il faut s'imaginer que pour  "approcher" ces personnes, il faut alors les rencontrer physiquement, fréquenter les mêmes clubs, les mêmes cercles.

Plus tard, le téléphone révolutionne notre industrie, puisque alors le Chargé de recherche peut diligenter son sourcing à distance : c’est la belle époque des sketchs téléphoniques visant à remonter les organigrammes.

Il y a 22 ans je passais ces premiers appels… Dans le meilleur des cas armé d’un CV, parfois d’un annuaire souvent dans le dur… bref, un autre temps où une recherche moyenne nous faisait identifier tout au plus 50 profils et où en contacter la moitié, et ce durant un mois de travail. Aujourd’hui, nous sommes capables de structurer un pipeline d’une centaine de personnes dans la journée et de les engager en un clic…

Quel progrès !

Je suis né dans le sourcing an 3 avant linkedIn, j’ai vu l’avènement de ce réseau social comme un enfant qui découvre une boutique de bonbons ! Émerveillé, ne sachant où donner de la tête !

Mais l’objet de cet article n’est de vous proposer l’introspection nostalgique du rédacteur, mais de revenir sur un point. La définition de nos cibles.

L’une de mes premières missions fut la recherche d’un Directeur des Traitements Statistiques d’un Institut de sondages. L’institut était filial français d’un groupe international. Le Profil quant à lui était à la croisée des chemins entre les statistiques, l’informatique et la sociologie…

Notre client à l’époque réalisait un chiffre d'affaires de 20 millions d’euros environ et implémentait un nouveau système de traitement de données, SPSS. Il fallait donc cibler des personnes pour qui ce projet pouvait représenter un enjeu intéressant.

Je ciblai alors les organisations ayant un CA de 10 millions et plus et, selon les cas, identifiais le Directeur des traitements d’une structure plus modeste que mon client ou de son adjoint pour les plus importantes.

Si possible je tentais aussi de savoir s’ils avaient déjà été confronté à une évolution de l’infrastructure de traitement. Il me fallait donc les noms et l’information. En général, j’obtenais ces renseignements en une ou deux passes téléphoniques auprès du standard ou des services, en me faisant passer pour un étudiant/journaliste/chargé de communication, selon l’humeur du jour.

Le premier objectif étant alors de valider mes hypothèses et recueillir de l’information. Si en valeur absolue, tous les profils identifiés correspondaient à mon cahier des charges, je décidais de n'approcher que ceux pour qui mon projet avait le plus de valeur. L'approche directe est bijective, elle doit s'entendre dans cette réciprocité.

Segmentation & hiérarchisation

Je hiérarchisais alors les cibles en fonction de ce cahier des charges. Puis il me fallait alors travailler un scénario pour approcher ces personnes. Cela allait de la voix autoritaire qui ne souffre pas l’obstacle d’un standard, au journaliste (encore) ou l’étudiant en quête d’information pour son orientation.

Toutefois, à y regarder plus largement, SPSS était aussi utilisé dans d’autres environnements, et il est fort probable que j’eus fini par trouver un profil pertinent dans une autre sphère.

Néanmoins, le coût représenté par cette recherche, mon salaire tout comme le temps d'investigation, impliquait qu’il me fallait me concentrer sur un échantillon me permettant de maximiser ma transformation sur un temps limité.

En d’autres termes, je me concentrai là où je maximisai mon retour sur investissement.

Ce point ne doit pas être uniquement vu dans sa dimension financière, mais regardé par rapport à l'impact global d'un recrutement ou d'un non-recrutement pour organisation. Il y a là des enjeux financiers, mais aussi  organisationnels et humains.

Aujourd’hui, le coût d’accès à l’information n’a cessé de décroître et parce- qu’il ne coûte quasiment rien, parce que l’information est surabondante, nous sommes devenus moins sélectifs dans nos ciblages. Là où la correction d'une erreur de ciblage jadis était onéreuse et pouvait remettre en question des semaines de travail, cette même correction aujourd'hui n'implique plus les mêmes conséquences. L'information disponible nous a permis de ce point vu un gain de productivité non négligeable. Mais ce faisant, nous avons parfois perdu en exigence au profit du volume.

L'inénarrable loi des nombres à la vie dure (plus je contacte de monde plus j'ai de chance d'y arriver)... cela me rappelle ce précepte shadoks : 

“En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc : plus ça rate, plus on a de chance que ça marche.”

Vas-y fonce! Sur un malentendu, ça peut marcher! Et partant de ce principe on arrive à une autre loi probabiliste :

"on est pas à l’abris d’une bonne surprise !"

Et bien non ! On ne construit pas une stratégie de recherche digne de ce nom sur ce genre d’hypothèses et de principes ! il n’y a pas de malentendus et ni de surprises !

En fait, si, le malentendu est littéral… les profils que nous approchons ne nous ENTENDENT pas !

En effet, en démocratisant l’accès à l’information professionnelle, LinkedIn et, internet de manière plus large, nous ont offert la possibilité de contacter qui nous voulons quand nous voulons.

Quelques mots clés dans un moteur de recherche et voilà l’information.

Tant est si bien qu’aujourd’hui le problème n’est plus tellement l’identification mais l’engagement… comment faire pour que ces candidats nous RÉPONDENT !

Arrêtons-nous quelques instants sur cette question.

  • Qu’est-ce qui fait que je réponds à un message?
  • Pourquoi vais-je vous répondre?
  • Parce que l'on me parle?
  • Que faire si tout le monde me parle ?

Je personnalise, tu personnalises, il personnalise, nous...

ll fut une époque tournait le hashtag #lapersonnalisationbordel sur twitter. Effectivement une lecture rapide d’un manuel marketing nous apprend qu’il nous faut personnaliser nos messages, se montrer créatif. Mais une fois encore, le copywriting n'est pas magique ! il ne fait pas tout !

A elle seule, la personnalisation du message ou son absence n’est pas décisive. S’il peut-être plaisant de recevoir un message à son nom, ce qui est décisif, c’est avant tout la pertinence du projet proposé au regard des attentes professionnelles et personnelles du prospect.

En ce sens, la personnalisation est avant tout une question de ciblage et d’adéquation entre deux aspirations celle du recruteur et du prospect.

Cibler fin & moins large…

J’ai récemment mené un pilote pour un client recherchant des Data Engineer. La marque employeur est très belle dans l’environnement du sport.

Dans un premier cas, j’ai pris un vivier de Data Engineers, (chaque profil correspond scrupuleusement au besoin de mon client) à qui j’ai envoyé un message plutôt personnalisé - mon ratio profils identifiés, propositions de recrutement réalisées, fut autour de 5/6 % - plutôt pas mal !

Néanmoins, j’ai voulu tenter une autre approche : j'ai construit un  vivier de Data Engineers pratiquant une activité sportive (activité identifiée via d'autres réseaux sociaux), et à qui je poussais le même message qu'au premier groupe. Le vivier fut plus étroit, néanmoins le taux de transformation fut alors de 18/20%.

La conclusion est assez évidente, j’ai plus de chance de transformer si je m’adresse à la bonne cible. Élémentaire ! 

Certains diront que l'on a pas toujours l'opportunité d'identifier de tels éléments différenciant, certes, je le concède. Mais c'est notre rôle que de les faire émerger - Ces critères rentrent dans la définition de notre personna.

Dès lors, personnaliser l’approche, c’est déjà s’assurer que le projet que je propose puisse avoir de la pertinence aux yeux de mon interlocuteur.

Envisager le ciblage du point vue unique de la demande de compétences, c’est oublier une partie de l’équation, celle de l’offre.

Si je recrute pour une fintech adressant la blockchain, sourcer à partir de groupes meetup, slack, discord traitant de sujets autour de la blockchain ou des crypto-monnaies seront des pistes certainement plus pertinente que de se jeter corps et âmes dans le requetage de mots clés dans LinkedIn.

Mon propos n'est pas de conspuer LinkedIn. LinkedIn reste la base de données professionnelles la plus structurée. Pour autant si Linkedin peut systématiquement me révéler certaines informations comme des éléments de parcours professionnel, contact, pour ce qui est du comportement, l'information disponible reste très inégale d'un profil à l'autre.

Informations que je pourrais observer sur d'autres plateformes. C'est ce qui me fait aimer twitter ou meetup dans le sourcing. Ce sont des canaux précieux d'identification.

J'avais par le passé écrit un article sur comment appréhender le sourcing via meetup. Je prépare pour dans quelques semaines une masterclass sur le sourcing via twitter ! (A suivre !)

Sourcer ce n’est pas uniquement trouver des profils, sourcer c’est trouver des profils pour lesquels notre proposition de valeur à du sens. Il nous appartient d’identifier cette proposition de valeur dans les briefs que nous prenons et de la porter aux bonnes personnes.

Certains parleront d’expérience candidat, d’optimisation du sourcing, certains y verront un geste écologique… Qu’importe le prisme de lecture ! face à la saturation de messages ne rencontrant pas leurs cibles, il est urgent de revoir nos pratiques, au risque de nous perdre nous-mêmes dans une épuisante course au volume !

On ne peut pas construire une stratégie de sourcing sur la seule variable du volume ! Il est urgent de réintégrer la variable comportementale. 

Ce sera notre geste d'écoresponsablité vis-à-vis de nos candidats/prospects ! 

Take away : 

  • En quoi mon projet a-t-il du sens vis à vis de ma cible? 
  • Suis-je réellement satisfait du message que j'adresse à ma cible? 
  • Pourquoi ma cible me répondrait-elle?



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